Clause pénale : une affaire de proportion mais sans dénaturation !

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03/12/2021
Civil - Contrat

Pour apprécier l’existence d’une disproportion entre le montant de la clause et celui du préjudice subi par le cédant, le juge ne doit pas dénaturer les termes « clairs et précis » du contrat de cession de titres.
Une holding cède sa participation un certain prix, payable en douze annuités. Le contrat de cession stipule qu'« à défaut de règlement d'une seule annuité aux dates et montant convenus, l'intégralité du prix de cession deviendra immédiatement exigible et les sommes versées jusqu'au défaut de règlement, seront allouées au cédant, à titre de premiers dommages et intérêts, lequel pourra poursuivre comme bon lui semble la société cessionnaire, soit en paiement du solde du prix de cession, soit en résolution de la vente assortie de dommages et intérêts ». Soutenant que la société cessionnaire ne s'est acquittée des échéances de deux années que de manière partielle, la holding l’assigne en résolution de la cession et aux fins d'application de la clause pénale insérée dans le contrat.
 
Les juges du fond ordonnent la résolution de la vente et déclarent la clause pénale inapplicable. Ils considèrent, sur ce deuxième point, qu’il y a disproportion manifeste entre le montant de cette clause et le préjudice de la cessionnaire : la clause litigieuse obligeait celle-ci à régler une deuxième fois le prix des parts sociales sans cependant pouvoir en bénéficier.
 
La cessionnaire se pourvoit en cassation. La cédante invoque, à titre incident, la dénaturation de l’écrit par le juge. Selon elle, il résulte des termes clairs et précis de la clause pénale qu'en cas de défaut de paiement, même partiel, d'une échéance due au titre du paiement du prix de cession, la holding pouvait conserver, à titre de dommages-intérêts, les sommes déjà versées en paiement du prix de cession. L'application de cette clause pouvait seulement donner lieu, au maximum, au paiement d'une somme équivalente au prix de cession contractuellement convenu, et non au double de ce prix de cession.
 
La Cour de cassation ne statue que sur ce moyen incident et approuve la demande. Elle commence par rappeler « l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ». Elle précise ensuite que « Cette clause n'avait pas pour objet de permettre au cédant de percevoir deux fois le prix des parts sociales mais seulement de lui permettre, en cas de résolution de la cession des dites parts, de conserver les sommes déjà versées par le cessionnaire à titre de paiement partiel ». La cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a donc violé le principe susvisé. Cette clause devait recevoir application.
 
C’est un arrêt de 1872 (!) qui a posé le principe selon lequel « il n’est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent, et de modifier les stipulations qu’elles renferment » (Cass. civ. 15 avr. 1872, Bull. civ., n° 72).  La règle est consacrée à l’article 1192 du Code civil.
  
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, nos 3143 et s.

 
Source : Actualités du droit